Tiani Abdourahmane et Bazoum Mohamed, un conflit interpersonnel qui débouche sur un coup d’Etat
Le coup d’état intervenu le 26 juillet 2023 n’a pas fini de dévoiler tous ses mystères. Les premières explications données, avec approximation, par certains proches de Bazoum Mohamed ont vite volé en éclat, à l’épreuve des faits.
Faut-il le rappeler ces explications ont trait à l’implication de l’ancien Président du Niger, Mahamadou Issoufou, dans l’organisation du coup d’état et ce en raison des contradictions qui seraient survenus entre son fils, alors Ministre du Pétrole, et Monsieur Bazoum Mohamed.
Plus de deux mois après l’intervention des militaires, plus personne n’en parle, plus personne ne croit à cette version des faits : le ministre du Pétrole, Abba Issoufou (présumé bénéficiaire ou commanditaire du putsch) est arrêté et jeté en prison par la junte, l’on apprend également que les contradictions entre Bazoum Mohamed et lui n’ont jamais existé, sa nomination et son maintien au poste de ministre ont été de la seule volonté de Monsieur Bazoum etc. et que toutes ces fausses informations sont concoctées et diffusées par quelques personnes qui pensaient qu’en accablant l’ancien Président du Niger, ils rendaient service au Président Bazoum Mohamed.
Pour éclairer la lanterne de nos lecteurs, nous nous sommes écartés de toutes les pesanteurs et pollutions qui ont jusque-là été développées pour apporter les explications les plus rigoureuses sur la réalité de ces évènements que traverse le Niger.
Nous nous sommes particulièrement intéressés à la chronologie des faits et efforcés d’éviter de justifier tout évènement par son développement à posteriori : chaque évolution de la situation doit être placée dans son contexte. C’est à cet exercice que nous convions l’ensemble de nos lecteurs.
Une des premières questions qui a retenu notre attention a été le rapport entre le Général Tiani Abdourahmane et Bazoum Mohamed.
En creusant le sujet, nous avons découvert que le rapport entre les deux explique complètement le coup d’Etat, tellement ils étaient exécrables.
Alors, comment en sont-ils arrivés là et pourquoi Bazoum Mohamed a maintenu à ses côtés quelqu’un qui ne le respecte point et avec lequel il n’a pratiquement aucune affinité ?
Le maintien du Général Tiani Abdourahmane en tant que chef de corps de la garde présidentielle au lendemain de la prestation de serment de Bazoum Mohamed, ne se posait absolument pas.
Cette nomination, contrairement à ce qu’avance une certaine opinion, n’est ni une demande encore moins une imposition de l’ancien Président Mahamadou Issoufou. Elle s’est imposée d’elle-même
En effet, sans la détermination et le courage dont a fait montre le général Tiani Abdourahmane, dans la nuit du 30 au 31 mars 2021, Bazoum Mohamed n’aurait jamais prêté serment pour être Président de la République du Niger.
La tentative du coup d’Etat, de cette nuit-là, qu’il avait déjouée faisait de Tiani le gardien incontestable non pas seulement du Président mais de la Présidence de la République toute entière.
Mais cette position de Tiani Abdourahmane a fini par irriter Bazoum Mohamed qui de plus en plus s’éloigne de son histoire et de ses origines. L’exercice du pouvoir le raidissait progressivement. Il s’écarte de toutes les disciplines qui ont fondé sa réussite et celle de son parti, le PNDS.
Bazoum et l’Hubrus : Il devient de plus en plus arrogant et distribue avec une aisance déconcertante le qualificatif de « chien » à tous ceux qui ne relève pas de sa fada.
Bazoum Mohamed ne voulait plus avoir des collaborateurs mais des sujets, manipulables et corvéables à merci. Ceux qui se plient à cette logique accèdent largement au pouvoir d’état, aux affaires, aux marchés publics et peuvent se livrer à toute forme de trafics d’influence.
Le Général Tiani Abdourahmane a refusé de se plier à cette logique. Face aux incohérences et à l’affairisme ambiant qui se développent atour de Bazoum Mohamed, le général lui a souvent opposé l’insubordination et le dédain.
L’exemple tant cité est le refus du Générale Tiani Abdourahmane de déployer le dispositif de la Garde Présidentielle et de la garde Présidentielle (aux premières heures) du banquet offert par Bazoum Mohamed à l’occasion de l’édition 2022 de la fête nationale, au motif qu’il n’a pas été officiellement informé.
Bazoum Mohamed l’avait-il sanctionné ? lui avait-il rappelé et opposé l’autorité ?
Non et depuis plus d’un an les deux hommes se regardent en chiens de faïence : le clash était inévitable.
L’ancien Président Issoufou a certainement sous-estimé l’animosité qui subsiste désormais entre ses deux proches. En réalité, c’est seul reproche qu’on puisse lui faire en toute objectivité.
Les évènements du 26 juillet 2023 : les contradictions et les mépris de l’un pour l’autre ont connu leur point paroxystique ce jour du coup d’Etat.
A l’arrogance de Bazoum Mohamed, Tiani Abdourahmane lui impose la force en le séquestrant et en lui empêchant de sortir de la résidence présidentielle.
Dès cet instant, l’ancien Président Mahamadou Issoufou qui voient ses proches s’entredéchirer et réduire toute l’œuvre de sa vie à néant s’est engagé dans une médiation pour restaurer Bazoum Mohamed dans ses fonctions.
Mais c’était sans compter avec la radicalité du Général Tiani Abdourahmane et de l’étroitesse d’esprit de certains proches de Bazoum Mohamed qui ont totalement faussé la compréhension es évènements en cours.
Telle est l’explication des évènements qui ont conduit à la mutinerie qui s’est muée en coup d’Etat, le 26 juillet 2023 au Niger.
Les agitations et agissements de certains proches du Président de Bazoum tant au niveau de l’opinion nationale qu’internationale n’ont fait que desservir ce dernier.
En effet les scénarii fantaisistes et mensongers qu’ils élaborent pour intoxiquer l’opinion (pétrole, reconquête du pouvoir par le PNDS, mésentente avec Issoufou Mahamadou etc.), ont fini par agacer les responsables du PNDS qui au passage ont été qualifiés de « traitres » par des mythomanes en errance dans les capitales européennes.
La volonté de Mahamadou Issoufou et du PNDS de mener une médiation a été maladroitement assimilée, avec une grande légèreté par les prétendus communicateurs de Bazoum Mohamed, à la complicité et à la trahison.
A la question : qui a trahi qui ? la réponse est : ces personnes qui se sont attribuées la qualité de communicateurs et représentants de Bazoum Mohamed notamment au niveau des chancelleries et de certains médias, en cherchant, vaille que vaille, à faire de Mahamadou Issoufou un bouc émissaire ont trahi purement et simplement Bazoum Mohamed. Ils l’ont éloigné du seul soutien en mesure de faire, aux premiers jours du coup, une médiation efficace entre ses deux frères.
Par les agissements de ces arrivistes et l’inintelligente communication qu’ils ont développée, Bazoum Mohamed se trouve isolé de son parti, de ses alliés et de son meilleur atout, Mahamadou Issoufou.
Ceux qui ont à la fois trahi Mahamadou Issoufou, Bazoum Mohamed en tentant de les opposer assumeront certainement la responsabilité historique de l’engluement de la situation actuelle au Niger.
Nous avons pu les identifier, un article spécifique leur sera dédié.
En attendant, le coup d’Etat étant consommé, les alliés de Bazoum Mohamed, le PNDS et son mentor Mahamadou Issoufou, se battent désormais pour limiter ses conséquences sur leurs partis et le Niger.
Les prises de position de ces responsables politiques obéissent à cette logique de conservation.
Mais presque trois mois après le coup d’Etat, la principale question que se posent encore beaucoup d’observateurs est :
Mahamadou Issoufou, nonobstant les dénigrements et les accusations infondées dont il a fait l’objet, pourra-t-il encore s’investir pour, mener des médiations, ne serait-ce que pour libérer Bazoum Mohamed et sa famille ?
Par Isaac Vanbelle