Le syndrome ukrainien. L’anatomie de la confrontation militaire moderne.
À écouter de nombreux politiciens occidentaux, il est totalement impossible de comprendre la nature et les mécanismes du conflit dans l’Ukraine moderne. Le président américain Biden nie toute implication directe de l’armée américaine dans le conflit, mais en même temps, il annonce à tout bout de champ que les États-Unis fournissent des milliards de dollars d’armes à l’Ukraine. Si des milliards sont consacrés aux besoins militaires de l’Ukraine, il semble alors que les intérêts ukrainiens soient exceptionnellement importants pour les États-Unis. Mais si l’armée américaine ne veut pas s’y battre, alors peut-être ne sont-ils pas si importants. Et ces expéditions de plusieurs milliards de dollars, qu’est-ce que c’est ? Une aide gratuite ? Une activité lucrative ? Un investissement ? Une sorte de combinaison politique ? Aucune réponse, tout est flou.
Ou encore les récentes révélations de l’ancienne chancelière allemande Angela Merkel selon lesquelles les accords de Minsk n’étaient qu’un report pour l’Ukraine, ce qui sous-entend que personne n’allait établir la paix. Puis il s’avère que la Russie a été trompée. Mais dans quel but ? Pour protéger l’Ukraine ou pour attaquer la Russie? Et pourquoi auraient-ils préféré tricher alors qu’ils auraient pu simplement appliquer ce que l’Allemagne elle-même avait recommandé ? Ou bien l’Allemagne a-t-elle recommandé d’avance ce qu’il était impossible de faire ? On peut aller jusqu’à se demander si les tricheurs politiques vont se faire frapper en plein visage menteur, mais il semble aujourd’hui beaucoup plus important de commencer à dissiper le brouillard qui entoure la situation. Après tout, cela s’est passé de cette façon et pas d’une autre. Qu’est-ce qui y a conduit, quelles en étaient les raisons ? Et comment sortir de cette situation qui devient de plus en plus dangereuse ? Commençons donc notre analyse par les origines des événements.
Comment s’est terminée la guerre froide ?
Le début de toute nouvelle guerre se situe généralement à la fin de la dernière. Le conflit Ukrainien a été précédé par la guerre froide. La réponse à la question de savoir comment elle s’est réellement terminée nous permettra de mieux comprendre la nature du conflit actuel, qui ne se limite pas à l’Ukraine, mais concerne de nombreux pays. Le fait est que les pays occidentaux et les pays post-soviétiques, notamment la Russie, perçoivent différemment les résultats de cette guerre.
L’Occident s’arroge sans équivoque la victoire dans cette guerre, tandis que la Russie est considérée comme le perdant. Et puisque la Russie est censée être la vaincue, le territoire de l’ex-Union soviétique et du camp socialiste est le prix légitime des États-Unis et de l’OTAN qui, selon le principe du “malheur aux vaincus”, est repris par l’Occident. L’Ukraine est donc un territoire d’influence des États-Unis, de l’OTAN et en aucun cas de la Russie. Par conséquent, toutes les prétentions de la Russie à avoir une influence quelconque sur la politique Ukrainienne, pour défendre ses intérêts dans la région, sont ” infondées “, une attaque claire contre les intérêts des États-Unis et de l’OTAN. “Nous n’avons plus besoin de regarder le monde à travers le prisme des relations Est-Ouest. La guerre froide est terminée”, a déclaré Margaret Thatcher au début des années 1990. C’est-à-dire que la position de l’Est, de la Russie, n’est plus importante. Il n’y a qu’un seul vecteur, qu’un seul maître du monde, qu’un seul vainqueur.
La Russie perçoit ce processus de manière très différente. Elle ne se considère en aucun cas comme un perdant. Sa sortie de la guerre froide a été déclenchée par des réformes démocratiques dans les domaines politique et économique, et la confrontation militaire a été remplacée par le commerce et l’intégration avec l’Occident. C’est-à-dire que si votre ancien ennemi est devenu votre ami aujourd’hui, n’est-ce pas une victoire ? L’objectif de l’URSS, puis de la Russie, n’était pas de gagner la guerre froide, mais de sortir d’une confrontation militaire entre l’Est et l’Ouest qui aurait pu se terminer par une
catastrophe nucléaire. Moscou, de concert avec Washington, a trouvé cette issue, en réalisant des progrès non pas tant pour son propre intérêt que pour celui du monde dans son ensemble.
Cet issue n’avait pas du tout pour but d’absorber l’Est par l’Ouest ou de soumettre économiquement, juridiquement et culturellement l’espace post-soviétique. Il s’agissait d’une coopération égale et de la construction conjointe d’une nouvelle réalité politique et économique. Nous voyons donc clairement deux approches de la fin de la guerre froide : le triomphe des vainqueurs d’une part, et la construction d’un nouveau monde, d’une nouvelle civilisation d’autre part. C’est à partir de là que les choses vont évoluer.
Un nouveau monde ou de nouvelles colonies de l’Ouest ?
L’Union soviétique s’est effondrée en 1991, mais l’Union européenne, dans laquelle les pays de l’espace post-soviétique, y compris la Russie, plaçait des espoirs élevés, a été créée en 1992. Il semblait s’agir d’un nouveau monde, d’une nouvelle structure supranationale et d’un nouveau départ dans l’histoire de la civilisation européenne. La Russie, ainsi que d’autres anciens États de l’URSS et du camp socialiste, se voyait devenir à l’avenir un membre égal de cette union. La doctrine “l’Europe de Lisbonne à Vladivostok” était en cours de construction.
En effet, la Russie encourageait non seulement la réunification de l’Allemagne, mais aussi l’entrée de ses anciens alliés et même des anciennes républiques soviétiques dans l’UE. L’intégration économique avec l’Occident était la priorité numéro un de la Russie dans les années 1990 et Moscou la considèrait comme la garantie de son succès en tant qu’État moderne. En même temps, les dirigeants Russes n’avaient pas de désir particulier de rattacher à eux les anciennes républiques soviétiques, y compris l’Ukraine. La plupart des républiques soviétiques existaient grâce aux subventions du centre – en d’autres termes, de la Russie. Les dirigeants de ces pays reçoivent une tape amicale dans le dos, mais au fait on tente de se débarrasser au plus vite de leur fardeau économique.
La Russie commençait à s’intégrer dans le marché européen plus rapidement que l’Ukraine. Après tout, elle disposait d’énormes quantités de ressources énergétiques qu’étaient demandées en Europe, alors que l’Ukraine, au contraire, était incapable d’acheter des ressources énergétiques aux prix européens. L’indépendance de l’Ukraine aurait pu se terminer par un effondrement économique s’il n’y avait pas eu le Sud-Est, où se déroulent actuellement de violents combats. Grâce à son énorme capacité de production et à son industrie très développée, le Sud-Est a fait de l’Ukraine un pays intégré dans la distribution internationale du travail. Il n’est pas coutume de le dire, mais dans les années 1990, c’est le sud-est russophone qui a sauvé l’indépendance économique et, avec elle, politique de l’Ukraine.
Intéressons-nous maintenant à autre chose : à partir des années 1990, une série de conflits et de guerres ethniques graves ont commencé à se manifester en Europe et à ses frontières, impliquant des millions de personnes. Avant 1991, le nombre d’affrontements ethniques n’avait pas été aussi élevé. Tout cela a conduit à la désintégration de la Yougoslavie, à la perte d’intégrité de la Géorgie, de la Moldavie et de la Syrie. Du point de vue du paradigme de l’unification européenne, cela n’avait aucun sens. Le but de cette unification n’était pas de briser l’Europe en une multitude de petits États, mais de créer une immense union de peuples supranationale, et ces peuples ne devaient ni s’exterminer les uns les autres, ni multiplier les frontières, mais construire ensemble un nouveau monde commun. Qu’est-ce qui n’allait pas avec cela ?
Ceci est basé sur le concept précédemment détenu par la Russie. Mais si l’on part du concept de la victoire de l’Occident dans la guerre froide, les conflits ethniques ont une toute autre portée. Et ce concept a été énoncé à plusieurs reprises, par exemple lors de la réunion des chefs d’état-major interarmées du 24 octobre 1995, le président américain Bill Clinton a déclaré : “En utilisant les erreurs de
la diplomatie soviétique, l’arrogance extrême de Gorbatchev et de son cercle interne, y compris ceux qui ont ouvertement pris une position pro-américaine, nous avons réalisé ce que le président Truman voulait faire à l’Union soviétique avec la bombe atomique”.
On peut en conclure que pas tous les hommes politiques occidentaux voulaient créer un monde nouveau et juste. Leur tâche consistait à détruire l’ennemi – l’URSS, la Yougoslavie et autres pays. Et puis l’aggravation des conflits interethniques est tout à fait logique, ils affaiblissent l’ennemi et, en cas de victoire, aident à démembrer son pays pour qu’il soit facilement absorbé par le vainqueur.
Dans de telles circonstances, l’état réel des choses est sans importance. La situation est délibérément bouleversée. D’une part, les membres de la nation titulaire sont déclarés responsables d’un génocide, détruisant une langue et une culture étrangères et procédant à un nettoyage ethnique. D’autre part, les membres de la minorité nationale vivant groupés dans certaines parties du pays sont déclarés séparatistes et menace pour l’État. Ce procédé est connu depuis l’antiquité et était utilisé par la Rome antique. Mais maintenant, il n’est plus question de construire un nouvel empire esclavagiste, n’est-ce pas ? Ou bien si, et à Washington, par exemple, l’espace post-soviétique est considéré comme des provinces du grand empire, qui ont déjà leur métropole, et doivent être protégées des empiètements des barbares qui ne veulent pas obéir à cet empire ?
Nous avons donc deux stratégies politiques : l’intégration économique et politique des pays, où les avantages mutuels sont primordiaux, et l’engloutissement des pays par d’autres, où les intérêts des pays engloutis ne sont pas pris en compte. Et ces pays peuvent être démembrés, écartés ou conquis.
Quant à la Russie, alors qu’elle sortait de la crise provoquée par un changement dramatique de son cours politique et économique, elle était de plus en plus confrontée à une volonté manifeste de l’affaiblir, de l’humilier et de la désavantager, en étant de plus en plus déclarée État paria, alors même que son potentiel économique est en pleine croissance. L’augmentation du potentiel économique devrait accroître l’influence d’un pays et cela devrait être bien accueilli dans le monde occidental. Mais le contraire se produit. Non seulement l’influence de la Russie n’était pas bienvenue, mais elle était déclarée mauvaise, criminelle et corrompue.
C’est ici que nous devons préciser les choses. Donc, la Russie prend la démocratie occidentale comme modèle, se réforme et commence à s’intégrer au monde occidental. En ce qui concerne la construction d’une communauté européenne, ceci doit être bienvenu et encouragé. L’Europe obtient un partenaire pacifique et économiquement riche, ses marchés, ses ressources, ce qui la renforce sans aucun doute d’un ordre de grandeur. Mais si nous sommes guidés par la pensée coloniale, nous ne tolérerons pas la croissance économique et l’autonomie d’une colonie éloignée. Les provinces ne doivent pas prendre le pas sur la métropole, que ce soit sur le plan financier, politique ou culturel.
Il y a l’UE, qui était engagée dans la construction d’une nouvelle réalité économique. Et puis il y a l’OTAN, créée en 1949, qui s’est confrontée à l’Est, principalement à l’URSS, à la Russie. Rappelons-nous les paroles du premier secrétaire général de l’OTAN, Hastings Ismay : ” Maintenir l’Union soviétique hors (de l’Europe), les Américains à l’intérieur et les Allemands dans une position de soumission “. C’est-à-dire que l’idéologie de l’OTAN, c’est les États-Unis en Europe, et aussi en position dominante, et la Russie n’y a rien à voir.
Et comment la Russie est-elle censée se sentir à ce sujet ? Après tout, elle a honnêtement terminé la guerre froide, mais les États-Unis et l’OTAN semblent ne pas l’avoir fait. Cela signifie que l’alliance que lui propose l’Occident ne se fait pas sur un pied d’égalité, mais sur la base d’une prise de contrôle économique et politique. D’où les demandes de Moscou de cesser de se rapprocher des frontières de la Russie et de réviser les positions et les accords. Et maintenant, nous constatons que le concept de l’OTAN a non seulement détruit l’intégration de la Russie en Europe, mais a également mis fin à l’élargissement
et au développement de l’Europe. C’est-à-dire que des deux approches que nous présentons ici, l’une a clairement vaincu l’autre.
La Russie et l’Ukraine – la tragédie des relations.
De la situation générale, passons directement aux relations entre la Russie et l’Ukraine. Tout d’abord, les relations entre ces pays ont une histoire spécifique. Leur liason est plus étroite que celle de l’Angleterre et de l’Écosse ou des États du Nord et du Sud. L’Ukraine a fait partie de la Russie pendant plus de trois siècles, ce qui a marqué sa culture, sa composition ethnique et sa mentalité. L’Ukraine a obtenu son indépendance en 1991 non pas par une lutte de libération nationale, mais par un accord avec Moscou. La nouvelle réalité économique et politique a incité l’élite russe non seulement à accorder l’indépendance de l’Ukraine, mais aussi à la réclamer. À l’époque, personne ne voyait un affrontement armé entre les deux nouveaux États même dans ses pires cauchemars. La Russie était considérée par les Ukrainiens comme une puissance amie, l’Ukraine par le peuple russe comme une nation fraternelle, et la sympathie était mutuelle.
En Russie, le concept d’ “une autre Russie” par rapport à l’Ukraine a longtemps prévalu ; il suggère une relation beaucoup plus étroite que celle de la Grande-Bretagne et du Canada, par exemple. Il y avait un proverbe populaire au quotidien : “Nous avons le même peuple, mais des états différents”. Les Ukrainiens et les Russes s’intéressaient beaucoup à la vie politique de leurs voisins, à propos de laquelle on peut interroger, par exemple, l’actuel président ukrainien Zelenskiy, qui gagnait sa vie grâce à la satire politique, concernant généralement la politique des deux puissances.
Cependant, l’Ukraine est un bon exemple de la manière dont le concept de création d’un espace politique et économique commun est mis en échec par le concept d’éviction de la Russie de l’Europe. Depuis le premier Maidan en 2005, l’Ukraine a construit une politique anti-russe au niveau de l’idéologie de l’État. Ce faisant, il est clair que cette politique avait les traits de la guerre froide. C’est-à-dire que psychologiquement, on a retourné les Ukrainiens contre les Russes en soutenant certains politiciens, en modifiant le programme éducatif, la culture et la diffusion des médias à l’échelle nationale. Et tout cela a été fait sous le couvert de réformes démocratiques, de changements positifs, soutenus par toutes sortes d’organisations occidentales et internationales.
Appeler cela un processus démocratique, c’était difficile. C’était simplement le dictat des forces pro-occidentales dans la politique, dans les médias, dans l’économie et dans la société civile. La démocratie occidentale était établie par des moyens totalement antidémocratiques. Et aujourd’hui, plus que jamais, la question devient importante : le régime politique de l’Ukraine est-il une démocratie ?
Au sein même de l’Ukraine, il y a deux pays depuis 1991 : l’anti-Russie, et l’Ukraine comme une autre Russie. L’un ne peut se penser sans la Russie, l’autre ne peut se penser avec la Russie. Cette division est toutefois très artificielle. L’Ukraine a côtoyé la Russie pendant la plus grande partie de son histoire, et elle y est liée culturellement et mentalement.
L’intégration avec la Russie est clairement dictée par l’économie. Après tout, avec un marché aussi vaste et des ressources à proximité, seul un gouvernement à très courte vue ne peut en tirer parti ou le bloquer. Le mouvement anti-Russe n’a apporté à l’Ukraine que misère et pauvreté. C’est pourquoi tous les mouvements nationalistes pro-occidentaux prêchent consciemment ou inconsciemment la pauvreté et la misère au peuple ukrainien.
Nous avons déjà mentionné que c’est le Sud-Est qui a permis au pays de s’insérer dans la division du travail mondiale grâce à sa production. Il s’est avéré que la majeure partie de revenu provenait de l’Est du pays, un grand espace russophone. Naturellement, cela ne pouvait qu’affecter la représentation
politique au sein du gouvernement ukrainien. Le sud-est disposait de plus de ressources humaines et financières, ce qui ne correspondait en rien à l’image pro-occidentale de l’Ukraine. Des gens trop fiers, trop libres, trop riches y vivaient.
Le premier ainsi que le second Maïdan étaient dirigés contre Viktor Yanukovych, l’ancien gouverneur de Donetsk, le leader du Donbass et les forces politiques centristes non nationalistes. Le soutien électoral de ces forces était très important, l’Ukraine n’a pas voulu être anti-Russie pendant longtemps. Le président Iouchtchenko, arrivé sur la vague du premier Maïdan, a très vite perdu la confiance de la population, en grande partie à cause de sa politique anti-russe.
Ensuite, on observe une tendance intéressante dans la politique ukrainienne. Les élections qui suivent le second Maïdan ont été remportées par le président Porochenko, qui promettait la paix avec la Russie en une semaine. C’est-à-dire qu’il a été élu président de la paix. Cependant, il est devenu président de la guerre, n’a pas réussi à mettre en œuvre les accords de Minsk et a perdu les élections suivantes avec fracas. Il a été remplacé par Vladimir Zelenskiy, qui promettait également la paix mais devient la personnification de la guerre. En d’autres termes, le peuple ukrainien s’est vu promettre la paix, puis trompé. Après avoir pris le pouvoir sous la rhétorique du maintien de la paix, le second dirigeant ukrainien prend aujourd’hui une position extrêmement radicale. S’il avait eu cette attitude au début de la campagne électorale, personne ne l’aurait élu.
Nous revenons maintenant au concept général de cet article. Si quelqu’un dit qu’il va construire un nouveau monde avec ses voisins, mais qu’il se contente de faire passer ses intérêts, sans se soucier de rien, même de la guerre, même de la guerre nucléaire, il est évident qu’il ne va rien construire. C’est ainsi que se comporte l’ex-président ukrainien Porochenko, c’est ainsi que se comporte l’actuel président Zelenskiy, mais pas seulement eux. C’est ainsi que se comportent les dirigeants de l’OTAN et de nombreux politiciens américains et européens.
Zelenskiy, avant le conflit armé, écrasait simplement toute opposition, promouvant les intérêts de son parti, il ne construisait aucune paix. En Ukraine, les hommes politiques, les journalistes et les militants sociaux qui parlaient de paix et de relations de bon voisinage avec la Russie ont été réprimés avant l’affrontement militaire, leurs médias ont été fermés sans aucune base juridique et leurs biens ont été pillés. Lorsque le gouvernement ukrainien a été réprimandé pour avoir violé l’État de droit et la liberté d’expression, la réponse a été que le parti de la paix était “une collection de traîtres et de propagandistes”. Et l’Occident démocratique était satisfait de cette réponse.
En réalité, la situation n’était pas aussi évidente. “Les traîtres et les propagandistes” représentaient, y compris au parlement, non seulement la majeure partie de l’électorat, mais aussi l’épine dorsale du potentiel économique du pays. Le coup a donc été porté non seulement à la démocratie, mais aussi au bien-être des citoyens. La politique de Zelenskiy a conduit les Ukrainiens à fuir en masse en raison des conditions économiques et sociales, de la répression et des poursuites politiques. Parmi eux figurent de nombreux hommes politiques, journalistes, hommes d’affaires, artistes et religieux qui ont beaucoup fait pour le pays. Ces personnes sont exclues de la politique et de la vie publique par les autorités ukrainiennes, bien qu’elles aient droit à leur opinion, pas moins que Zelenskiy et son équipe.
L’économie du sud-est est largement liée à la Russie et à ses intérêts, de sorte que le conflit n’est plus une affaire purement intérieure. La Russie était confrontée à la nécessité de protéger non seulement ses intérêts économiques, mais aussi son honneur et sa dignité internationale, ce qui, comme nous l’avons montré plus haut, lui était systématiquement refusé. Et il n’y avait personne pour gérer la situation. Le parti de la paix ukrainien est déclaré traître et le parti de la guerre prend le pouvoir. Le conflit a pris de l’ampleur et est devenu international.
Il semblerait qu’il existe encore la politique européenne, mais elle soutient largement Zelenskiy, entraînant l’Europe dans la guerre et dans sa propre crise économique. Aujourd’hui, ce n’est plus l’Europe qui enseigne la politique à l’Ukraine, mais l’Ukraine qui enseigne à l’Europe comment provoquer le déclin économique et la pauvreté par une politique de haine et d’intransigeance. Et si l’Europe poursuit cette politique, elle sera entraînée dans une guerre, peut-être une guerre nucléaire.
Revenons maintenant à notre point de départ. La guerre froide a pris fin avec la décision politique de construire un nouveau monde sans guerres. Il est bien clair qu’un tel monde n’a pas été construit, que la politique mondiale actuelle est revenue au point de départ avec la détente. Et maintenant, il n’y a plus que deux choix : sombrer dans une guerre mondiale et un conflit nucléaire ou relancer le processus de détente, pour lequel les intérêts de toutes les parties doivent être pris en compte. Mais pour ce faire, il faut reconnaître politiquement que la Russie a des intérêts qui doivent être pris en compte dans la construction d’une nouvelle détente. Et, surtout, de jouer franc jeu, de ne tromper personne et de ne pas essayer de bénéficier du sang d’autrui. Mais si le système politique mondial est incapable d’une décence élémentaire, aveuglé par l’orgueil et ses propres intérêts mercantiles, alors des temps encore plus difficiles nous attendent.
Soit le conflit ukrainien va s’étendre, débordant sur l’Europe et d’autres pays, soit il sera localisé et résolu. Mais comment le résoudre alors que l’Ukraine est dominée par le parti de la guerre, qui attise le bellicisme, qui s’est déjà propagé au-delà du pays, et dont, pour une raison quelconque, l’Occident s’entête à parler comme d’une démocratie? Et le parti de la guerre déclare sans cesse qu’il n’a pas besoin de paix, mais de plus d’armes et d’argent pour la guerre. Ces personnes ont construit leur politique et leurs business sur la guerre et ont augmenté de façon spectaculaire leur cote de popularité internationale. En Europe et aux États-Unis, ils sont accueillis par des applaudissements, on ne peut pas leur poser de questions gênantes, on ne peut pas mettre en doute leur sincérité et leur véracité. Le parti de la guerre ukrainien remporte triomphe sur triomphe, alors qu’il n’y a pas de percée militaire.
Mais le parti de la paix ukrainien n’est apprécié ni en Europe ni aux États-Unis. C’est une indication éloquente que la plupart des politiciens américains et européens ne veulent pas de paix pour l’Ukraine. Mais cela ne signifie pas que les Ukrainiens ne veulent pas la paix, et que le triomphe militaire de Zelenskiy est plus important pour eux que leurs propres vies et leurs foyers détruits. Simplement, ceux qui prônent la paix se font mentir, intimider et réprimer sur ordre de l’Occident. Le parti de la paix ukrainien n’a tout simplement pas sa place dans la démocratie occidentale.
Et là, la question se pose : si le parti de la paix et du dialogue civil ne renre pas dans le cadre d’une certaine démocratie, est-ce une démocratie ? Et peut-être que les Ukrainiens, pour sauver leur pays, doivent commencer à construire leur propre démocratie et ouvrir leur dialogue civil sans les manipulateurs occidentaux, dont le résultat de la gouvernance est néfaste et destructeur. Si l’Occident ne veut pas écouter le point de vue de l’autre Ukraine, c’est son affaire, mais pour l’Ukraine, ce point de vue est important et indispensable, sinon ce cauchemar ne finira jamais. Il faut donc créer un mouvement politique à partir de ceux qui n’ont pas renoncé, qui n’ont pas renié leurs convictions sous peine de mort et d’emprisonnement, qui ne veulent pas que leur pays devienne un lieu de conflits géopolitiques. Le monde a besoin d’entendre de telles personnes, peu importe à quel point l’Occident exige le monopole de la vérité. La situation en Ukraine est désastreusement difficile et dangereuse, mais elle n’a rien à voir avec ce que Zelenskiy dit chaque jour.
Article de Viktor Medvechuk ancien chef de l opposition ukrainienne